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Madame Gérard calcula les frais du mariage, qui étaient considérables.

« D’une façon ou de l’autre, Mathéus payera cela », se disait-elle.

Il y avait quinze mille francs pour le trousseau, cinq cents pour les pauvres, cinq cents pour l’église, cent pour l’organiste, deux cents pour la location de voitures et de cochers, trois cents pour les quêtes, cinq cents pour le dîner, mille pour les toilettes de la mère et de la fille, bien que celle d’Henriette fît partie du trousseau ; deux cents de gratification à quatre domestiques, trois cents pour faire manger, boire et danser les paysans. Il fallait compter vingt mille francs largement. Là-dessus, madame Gérard donnait tout au plus directement quinze à dix-huit cents francs, le surplus devant rester fort longtemps sous forme de mémoires à payer.

Henriette dit à sa mère qu’elle voulait emporter à la Charmeraye beaucoup de petites choses qui garnissaient sa chambre, et elle passa deux heures à les mettre de côté. Ensuite, elle fit des questions sur les contrats, sur le mariage, la loi, l’indépendance de la femme vis-à-vis du mari. Madame Gérard lui expliqua la communauté de biens, le régime dotal, et lui apprit que Mathéus, par une générosité sans exemple, se dépouillait de son vivant pour elle et lui donnait la nue propriété et l’usufruit de tous ses biens.

Le notaire, seul, avait exigé que le vieillard se réservât une rente viagère de douze mille francs, en tout cas.

« Et moi, quelle est ma dot ? dit Henriette.

— Cent mille francs ! répondit madame Gérard ; on signera tout ça demain, tu verras, le notaire en fera la lecture. »

La soirée se passa tranquillement. À l’approche de la catastrophe ou de la fête, on se taisait, chacun faisait ses calculs particuliers. Les femmes travaillèrent, les hommes lurent ou dormirent. Henriette écoutait tomber la pluie avec plaisir. Quand le vent soufflait lugubrement dans les corridors et par les rainures des fenêtres, faisant crier les feuilles comme si elles s’irritaient, et craquer la maison, elle était enchantée, pensant qu’on ne l’entendrait pas, vers minuit ou une heure