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follement, y trouvant apparemment un comique particulier. Puis Henriette ajouta : « Voyons vos mains.

— Pourquoi ?

— Montrez-les-moi d’abord ; je m’expliquerai ensuite. »

Émile devina ce que voulait voir la jeune fille ; il cacha ses mains derrière son dos.

« Non, sérieusement, reprit-elle, je veux que vous me les montriez. »

Émile lui tendit ses deux mains enflammées et assez déchirées par les pierres du mur.

« Ah ! dit Henriette, vous voilà encore tout abîmé. Hier je m’en étais déjà aperçue, mais je n’avais pas osé vous faire de reproches.

— Oh ! qu’est-ce que cela ! s’écria Émile ; il ne manquerait plus que je n’eusse pas le droit de me faire une pauvre égratignure, si bon me semble. Je trouve que ce n’est point assez, au contraire. Je voudrais qu’il y eût plus de peine à arriver jusqu’ici : ce serait au moins une espèce de mérite. Le dernier petit paysan ne craint pas de s’exposer à se casser la jambe pour un nid d’oiseau. Vraiment je suis humilié que vous fassiez attention à si peu de chose.

— Je ne trouve pas que ce soit peu de chose, » reprit gravement Henriette.

Émile méditait une sorte de chemin couvert pour amener l’idée du mariage jusqu’à l’esprit d’Henriette. Il laissa donc tomber la grande question des mains et dit : « J’ai encore parlé de vous avec ma mère tout hier.

— Ah ! dit-elle vous êtes plus heureux que moi, je ne puis en ouvrir la bouche, je me ferme à tout le monde. »

Émile fut consterné. Bien ! pensa-t-il, voilà que de ce côté-là la route est coupée.

« Je ne puis me confier à personne », reprit Henriette, voyant sa tristesse et l’attribuant à une sympathie compatissante pour ses propres peines.

Alors on passa en revue les physionomies des hôtes des Tournelles, que la jeune fille lui expliqua à sa façon. Puis elle le renvoya bien plus tôt que la veille, parce qu’elle craignait que quelqu’un ne les surprît. Émile éprouvait une