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Or, le vrai jardinier là-dessous était Aristide.

Perrin vit deux fois, ce jour-là, passer de loin son ami à cheval. Mais Aristide délaissait l’idiot. L’amour et les idées sur « la femme » avaient remplacé celui-ci, et Aristide ne quittait plus Corbie, qui était son confident.

Le 13, le procès se plaida et fut gagné. Madame Gérard y assista avec son fils, qui faisait de petits signes à madame Vieuxnoir, placée presque en face.

En d’autres circonstances, Aristide n’eût pas perdu les gestes des juges, du gendarme de garde, des avocats ; mais cette fois il n’était préoccupé que par la passion.

Madame Gérard remarqua avec colère qu’aucun des petits papiers qu’elle griffonnait pour l’avocat ne figurait dans son plaidoyer, et elle se promit bien de lui faire attendre ses honoraires.

Le boulanger Seurot, furieux de sa condamnation, marmotta qu’il ferait un mauvais coup, et la nuit, au risque de s’attirer un nouveau procès, il se contenta de faire jeter dans le ruisseau une quantité de vase, de boues et de fumiers, qui en corrompirent les eaux pendant trois ou quatre jours. D’ailleurs, il en appela.

On avait prié madame Baudouin de rester aux Tournelles pour garder Henriette. La jeune fille se renferma dans sa chambre, et la grosse femme resta seule au salon, s’ennuyant beaucoup et pas trop contente.

Henriette imaginait des moyens artificiels d’avoir toujours présente la pensée d’Émile, afin de ne se laisser tenter par aucune rêverie séductrice, par aucune faiblesse. Elle passa toute sa journée à commencer une bourse au crochet avec le nom du jeune homme en noir et jaune sur un fond rouge, vert et blanc, mettant du dévouement et de l’enthousiasme à choisir ses couleurs et à enchevêtrer ses fils de la façon la plus agréable à l’œil.

Mathéus était inévitable chaque soir. Henriette eut la hardiesse de porter sa bourse au salon et d’y travailler devant eux tous.