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— Ah ! je croyais vous avoir à peine touché ! » dit la jeune fille.

Corbie se frotta l’épaule.

« Ça doit être tout rouge, répliqua-t-il.

— Je vous demande pardon, alors, répondit Henriette, je ne…

— C’est désagréable, reprit-il ; je me promenais tranquillement en méditant, et je reçois une grande tape… J’ai perdu le fil de mes idées !

— C’est fâcheux, dit Henriette, j’aurais voulu vous consulter !…

— On ne s’y prend pas si vivement que ça, continua t-il.

— Ce sera pour une autre fois, voilà tout. »

Corbie reconnut que sa nièce n’était pas irritée.

« Eh bien ! qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il.

— C’est à propos de mon mariage. »

Corbie fut de nouveau bouleversé dans toutes ses fibres.

« Elle va encore me faire une farce, pensa-t-il ; elle paraît douce, tranquille : il y a de la traîtrise là-dessous !

— Je ne suis pas votre père, moi ! dit-il, bourru et cherchant à s’éloigner.

— Oh ! reprit Henriette, je n’aime pas cet homme, je n’en veux pas.

— Je suis neutre dit-il, je ne conseille personne, jamais !

— Je croyais que vous m’aimiez un peu. »

Il se crut arrivé à la grande explication, et détourna la tête.

« Moi !  ! s’écria-t-il : eh bien ! et votre père ? et votre mère ? et Mathéus ? Il vous adore, celui-là !

— Je n’ai personne pour me soutenir.

— Vous serez très riche… Et puis ça ne me regarde pas, vous comprenez… c’est très grave. Je n’ai pas voulu vous parler quand ma belle-sœur m’en a prié, d’ailleurs. Je ne suis pas pour vos parents, je ne peux pas être avec vous. D’abord on donne toujours de mauvais conseils. Je n’aime pas à me mêler comme ça aux affaires des autres, surtout pour un mariage qui convient à tout le monde. »

Henriette était un peu interdite.