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CHAPITRE II


la campagne faite pour l’amour


Quoique Henriette ne lui eût pas donné de rendez-vous, Émile courut aux Tournelles, le lendemain, de meilleure heure encore, entraîné comme par des chevaux emportés.

Sa muraille à franchir le rendait toujours joyeux ; il eût peut-être été moins ardent sans cette muraille qui lui donnait la joie d’accomplir des prodiges d’agilité et de vaincre un danger.

Le jeune homme accourait, impatient de consulter Henriette sur le projet de mariage. Son espoir le poussait en avant, comme la vapeur qui chasse une locomotive sous sa puissance d’expansion. Mais le jeune homme commença aussi à avoir froid en réfléchissant qu’un refus pourrait bien être essuyé, malgré le premier accueil, surtout de la part d’une jeune personne élevée dans les principes de la convenance sociale, et qui ignorait sa position infime de petit employé. Sa hardiesse rentra au fourreau.

Cependant Henriette l’attendait déjà dans le parc, inquiète et remuante comme une alouette, avide de boire la conversation d’Émile, qui lui faisait l’effet d’une tasse de lait chaud et pur.

« Comment vous portez-vous ? lui dit Émile en lui tendant la main.

— Très bien, merci ; et vous ? » répondit Henriette.

Et cet abord les amusa beaucoup car ils se mirent à rire