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— C’est très joli, murmura Henriette en regardant tout autour. Rentrons au château !

— Vous ne voulez pas essayer les barques ? elles sont douces, dit Mathéus ; j’ai là cinq ou six bons musiciens du régiment qui est en garnison au chef-lieu.

— Cela lui fera beaucoup de plaisir : elle adore l’eau », s’écria madame Gérard.

Mathéus les fit entrer dans une barque dorée, garnie de coussins ; les musiciens se mirent dans une autre et jouèrent cinq ou six de ces airs qui forment le répertoire des musiques militaires.

Henriette pensait : « C’est réellement très beau ! mais l’homme… l’homme ! »

Sous l’influence de la musique, elle songea cependant à la vie de Paris, et elle transporta Émile à la Charmeraye. Ah ! cela lui eût paru merveilleux, vivre avec Émile au milieu de ce luxe ; et puis elle se dit encore que, plus les tentations étaient fortes, plus elle devait y résister.

En sortant du bateau, elle vit une petite allée et s’y engagea sans être remarquée ; elle marcha un peu, et, s’imaginant que cette allée pouvait conduire hors du parc, l’idée de se sauver la prit comme une folle : elle se mit à courir.

Elle entendit sa mère, madame Baudouin, Mathéus, crier : « Henriette ! Henriette ! »

Elle courut plus fort, puis s’arrêta, n’entendant plus rien.

« Qu’y gagnerai-je ? se dit-elle ; où irais-je ? »

Elle revint sur ses pas et rencontra à mi-chemin ceux qu’elle avait laissés et qui la cherchaient.

Madame Gérard manifestait quelques signes de colère.

Mathéus s’écria :

« Vous vous êtes donc perdue, curieuse !

— Oui, répondit la jeune fille, je voulais vous surprendre. »

Quand Mathéus lui offrit de nouveau son bras, il lui fit l’effet d’un gendarme qui lui mettait des menottes, et en même temps elle discutait en elle-même si elle trouvait le parc et le château magnifiques ou s’ils lui paraissaient laids. Endette ne s’y reconnaissait plus dans ses impressions. Elle