moralisé, éperdu, fou. Tous ses malheurs venaient d’elle ! Ce ne pouvait être toujours lui !
Elle comprit le ravage de ce cœur détruit, et elle l’excusa.
« Oui, reprit-il avec exaltation tu n’as pas voulu t’en mêler, écrire à madame Gérard ; je serais marié à l’heure qu’il est. Il en est toujours ainsi. Sous prétexte d’aimer les gens, on les empêche de réussir et d’être heureux !
— Oh ! pauvre enfant dit-elle, dans quel état ils t’ont mis ! Tâche de reprendre un peu de fermeté. Tu vois qu’il faut réfléchir et être prudent dans la vie. Voyons, nous pouvons bien vivre heureux tous les deux. Tu es intelligent, tu avanceras. Tu te marieras, tu seras tranquille. Il ne s’agit que d’un peu de patience. Tu pourras faire bien des choses que tu as dans la tête. L’amour mène toujours à souffrir, c’est vrai ; mais combien de gens ont passé par là et en sont sortis sans faiblesse ! Tu avais des idées toutes contraires il y a un an.
— Ah ! s’écria Émile, s’il n’y avait que l’amour !
— Qu’y a-t-il donc de plus ? demanda madame Germain effrayée.
— Il y a tout ! les petites choses et les grandes. Tout ce que je veux échoue ; je n’ose plus rien, je ne sais plus que faire.
— Comme ta tête travaille ! reprit la mère ; tu es toujours en exaltation, mon cher enfant. Songe un peu à la vie réelle. Reprends quelques idées saines. Tu vis dans une fournaise que tu te plais à rallumer constamment.
— Tu me dis tout ce que tu peux de bon et de doux, répliqua Émile, et je n’en suis pas plus consolé ! C’est comme de l’air qui passe quand on a très chaud. Pendant deux minutes on est rafraîchi, et ensuite on se trouve plus brûlant. Je ne suis bien nulle part.
— Quelle terrible organisation ! dit madame Germain.
— Que veux-tu que j’y fasse ? J’en porte le premier la peine, reprit-il.
— Et moi, s’écria sa mère, je ne dors plus.
— Tu as tort, dit Émile ; j’aimerais mieux savoir qu’il n’y a que moi qui ai des tourments.