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— Ah ! bravo ! » s’écria Pierre, foudroyé par l’activité de sa femme.

Le mercredi, Aristide alla à Villevieille, monté glorieusement sur une vieille jument qui avait une grosse loupe à la croupe, de sorte qu’on aurait pu se passer de selle, à la rigueur. Il fit la déclaration du mariage à la mairie, puis profita de sa journée pour se présenter chez madame Vieuxnoir, qu’il n’avait pas encore revue, malgré son désir.

Après ce long intervalle de six jours, la petite avocate ne l’attendait plus. Cependant, pendant les trois premiers jours, elle avait étudié une valse nouvelle, pour la jouer à Aristide mais, à tout hasard elle se tenait rigoureusement en toilette.

En le voyant enfin, elle fut sûre qu’il était épris ; il ne s’agissait plus que de laisser aller !…

Cette nouvelle entrevue enivra Aristide ; il s’y comporta plus amoureusement, devina les finesses d’aveu de madame Vieuxnoir, en obtint des confidences plus intimes, plus tendres, se risqua à une déclaration où elle sut l’amener.

Aussi la joie le poussa, lorsqu’il fut de retour, à de méchantes inventions ridicules. Il imagina, pendant la nuit, de monter sur les toits et de faire le revenant, afin d’effrayer sa sœur. Il cria par la cheminée de la chambre d’Henriette :

« Je t’ordonne de te marier. Hou ! hou ! »

Henriette reconnut la voix du stupide garçon et demanda qu’on interdît à son frère toute espèce de démonstrations contre elle. Mais, lorsque madame Gérard voulut semoncer Aristide, l’amant de madame Vieuxnoir se regimba fièrement et dit :

« Je ferai ce qui me plaira ; je suis bien mon maître, je crois. »

Madame Gérard, cependant, pria Corbie de s’entremettre à son tour près d’Henriette. À la première ouverture, il s’écria :

« Non, non je ne réussirais pas, je ne suis pas propre à porter la conviction…

— Mais vous me rendrez service, insista madame Gérard.

— Je sais bien, mais ce serait peut-être un mauvais ser-