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— Tu sais bien de quoi je veux parler, dit Aristide en étendant le doigt vers elle.

— Je ne sais point tes affaires moi, ni ce qui peut t’obliger à parler raison.

— Ce sont les affaires de la famille

— Ne t’en fatigue pas la tête, mon cher ami. Va t’amuser. Assez de gens intelligents en causent avec moi sans que les…

— Oh ! cria Aristide, toujours la montrant au doigt, tu en causeras avec moi ! Je ne me laisse plus prendre à tes airs. Je sais ce que je suis, et de nous deux c’est moi qui ai le droit de parler le plus haut.

— Mon cher ami, répliqua Henriette, dédaigneuse et moqueuse, parler haut ici, il faut que je le permette. Mais dans le corridor ou dans le parc, tu pourras parler aussi haut que tu voudras

— Et moi je te dis, s’écria Aristide, que les belles phrases c’était bon autrefois ; mais maintenant qu’on t’a coupé les ailes, c’est fini !

— Comment ? qu’on m’a coupé les ailes ! dit Henriette avec colère.

— Oui, je m’entends. Est-ce que tu voudrais faire croire que tu es encore vertueuse ?

— Monsieur Aristide, répliqua Henriette, dont l’irritation croissait, est-ce de vous-même que vous m’apportez vos sottes impertinences, ou bien vous a-t-on envoyé ? Vous savez bien que je ne reçois chez moi que qui bon me semble.

— M. Émile, par exemple, dit Aristide, riant à son tour avec brutalité.

— Je vais sonner pour envoyer chercher mon père ou ma mère ! reprit Henriette, qui perdait le sang-froid et l’assurance devant l’insolence de son frère.

— Oh ! répliqua-t-il, monsieur Aristide ne craint rien de mademoiselle Henriette. Ton père et ta mère sont aussi à moi et n’ont rien à me reprocher. Moi j’aurais honte à ta place !

— Continue, mon cher ami, dit Henriette, dominée par la dure façon dont elle était traitée, continue jusqu’à ce que tu n’aies plus d’haleine. Je verrai ce que tu es capable de jeter de grossièretés en une seule fois. »