Henriette tenta un dernier effort pour ne pas montrer son tourment, et répondit ironiquement :
« Il n’est pourtant pas encore sûr que nous fassions affaire ensemble. »
Cette tête de vieillard masqué en jeune homme lui causait du malaise.
Mathéus reprit :
« Je n’ai qu’à m’incliner devant votre désir, mais pensez que je vous aime assez pour résister à toutes les blessures que vous me ferez, et que, quoi qu’il arrive, je serai toujours là, à vos ordres ! Comment vous démontrerai-je donc que je ne vous veux point de mal et que vous ne devez point me traiter en ennemi ? »
Une idée déraisonnable entra dans l’esprit d’Henriette à ce mot.
« Un ennemi ! pensa-t-elle ; ah ! si je pouvais en faire réellement un ami ! »
Il fallait qu’elle fût bien troublée et amollie de son énergie et de son sens ordinaires pour se figurer qu’elle fléchirait l’inexorable Mathéus.
« Eh bien, dit-elle, si vous étiez généreux, si vous aviez la… pitié d’un ami !… »
La voix lui manqua ; elle se laissait aller à la faiblesse et ne se maîtrisait plus.
« Vous ne vous joindriez pas aux autres… »
Elle se mit tout à coup à pleurer, et continua, entrecoupant ses paroles de larmes :
« Pour me déchirer… puisque vous savez bien… »
Alors Henriette s’arrêta brusquement, honteuse de son émotion et de ses supplications. Elle fit un effort et essuya ses pleurs.
« Oh ! s’écria Mathéus bouleversé, ne pleurez pas ! Ne pleurez pas, vous me feriez pleurer aussi ! Je n’ai pas voulu vous causer de chagrin. Ne le laissez point croire à votre mère, je ne me le pardonnerais jamais. Que puis-je donc vous dire ? Je suis navré : je ne toucherai jamais votre cœur. Comment m’y prendre, quelle éloquence employer, si la simple, la profonde vérité ne réussit pas ? J’ai su autrefois tromper bien des fem-