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comme un coq, on les intercalera ; ils ne peuvent nuire, s’ils ne servent beaucoup, bien que l’avocat soit l’être le plus indépendant !… grogna-t-il.

— Mais je n’attaque pas votre indépendance, dit madame Gérard.

— Je le sais bien, Madame. Je vais aller refondre mon plaidoyer de ce pas, et changer un travail d’un mois ; mais…, puisque vous le désirez, je suis à vos ordres. »

Il salua et partit, ayant d’abord envie, dans la fraîcheur de sa colère, d’envoyer promener le procès ; puis il réfléchit qu’il prononcerait tout simplement son plaidoyer sans y mêler les observations de la femme touche à tout.

Ainsi il y a autour de la chicane un tel ensorcellement, que la dispute surgit toute seule auprès d’un avocat !

Madame Gérard se plaignit de M. Vieuxnoir au président.

« Il est entêté, dit-elle.

— Que voulez-vous ? répondit-il ; en province, on n’a pas des aigles, mais tout bonnement des corbeaux. »

Pour l’esprit, le président était le seul rival sérieux de M. de Gontrand.

Quant à l’avocat, sa femme lui demanda :

« Où en est le mariage ?

— Eh ! je m’occupe bien du mariage ! s’écria M. Vieuxnoir, dont les lunettes d’or sautaient avec courroux sur son nez, cette femme ne m’a pas laissé placer un mot !

— As-tu rendu au moins sa politesse à M. Aristide ?

— Je te dis que je n’ai rien pu faire ; cette femme a toujours parlé !

— Ah ! mon Dieu ! tu en étais si enthousiasmé.

— Je ne la savais pas si bavarde !… »

Le même jour, madame Gérard dit au président :

« Charles, allez donc trouver Henriette ; elle a confiance en vous, je crois. Montrez-lui qu’elle doit redevenir simple, naturelle…

— Je comptais vous le proposer, répondit M. de Neuville.

— Tâchez de la presser ; je voudrais au besoin l’étourdir, en finir, avant qu’elle eût eu le temps de respirer. Dites-lui combien je suis malade…