Laissez-les dire ; lorsque Henriette passera à quatre chevaux dans les rues de Villevieille, ils ne s’occuperont plus que de la couleur de sa robe et de la livrée de ses domestiques. D’ailleurs nos voisins de campagne, le marquis de Buchey, la baronne de Grandchamp, le comte Péligeard et M. Darson valent bien les gens de Villevieille !
— Ils sont méchants dans cette petite ville, dit madame Baudouin ; il faut se hâter, chère Madame.
— Oh ! répliqua madame Gérard, tout sera terminé avant un mois. »
Mathéus recevait des lettres anonymes écrites par des femmes désœuvrées et de mauvais caractère. Il lut la première et la déchira, et il déchira ensuite sans les lire toutes celles dont il fut assailli pendant quinze jours, et dont quelques-unes étaient très grossières.
Madame Gérard pria madame Baudouin, le lendemain de la dernière visite du vieux amoureux, de commander le trousseau au chef-lieu du département, où se trouvaient quelques bons magasins. On n’avait pas le temps de donner des ordres à Paris. Le trousseau était magnifique en linge, robes, argenterie, mais grossement magnifique. Mathéus fit le voyage de Villevieille tout exprès pour s’entendre avec madame Baudouin sur la corbeille de mariage. Il lui dit :
« Je veux, chère Madame, quantité et qualité. J’y mets 100,000 francs de diamants : tout doit être en proportion !
— Mais, répondit madame Baudouin, à ce compte, nous irons bien vite à 70 ou 80,000 francs.
— Eh bien ! ce n’est pas trop ! » répliqua Mathéus.
Madame Baudouin fit une figure admirative et ébahie.
« Arrangez cela avec madame Gérard, dit le vieillard, n’épargnez rien ; je veux qu’Henriette soit contente. »
Quant à madame Gérard, celle qui tenait en main l’aiguillon qui poussait tant de gens, elle eut, parmi toutes les excitations de cette activité, une entrevue curieuse avec son avocat, entrevue où elle traita le procès comme si elle n’avait jamais eu autre chose en tête.
M. Vieuxnoir entra un matin chez elle avec de gros papiers jaunis qui laissaient pendiller des bouts de ficelles rouges.