Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE XIII


amour maternel


Émile venait enfin de guérir, et le médecin lui permit de faire sa première sortie. Il était jaune et amaigri ; ses yeux enfoncés et agrandis regardaient avec une douceur triste ; ses genoux et ses mains restaient encore tremblants, et quoiqu’il fît chaud on avait dû l’envelopper d’un grand paletot un peu usé, que son corps maigre et chétif ne remplissait pas.

Madame Germain se sentait forte de haine contre la famille Gérard et contre Henriette, en contemplant ces ravages de la maladie.

Émile parlait doucement et lentement, reprenant haleine au bout de peu de mots avec cet air résigné et un peu hagard de tous les convalescents.

Sa mère ne lui avait pas parlé une seule fois d’Henriette, et lui n’en avait pas ouvert la bouche non plus ; mais depuis huit jours qu’il avait senti les ongles du mal se desserrer un peu, sa tête fatiguée, vide, n’agitait qu’une seule pensée : retourner aux Tournelles ! comme ces petits tambours d’enfants où l’on secoue deux ou trois grains de sable, et il dissimulait avec la ruse des malades, afin qu’on ne le contrariât pas par la suite.

Le jour de sa sortie, Émile, appuyé sur le bras de sa mère, tourna nonchalamment vers le chemin des Tournelles, ayant l’air de considérer la campagne.

« Non, pas par là, dit madame Germain, le chemin n’est pas en bon état. »