vincial. Elle fut toute saisie de cette visite, qu’elle soupçonna immédiatement amoureuse.
Elle se montra à demi embarrassée et sut prodiguer des milliers de caresses dans ses inflexions de voix, ses penchements, ses remuements, ses airs de tête. Aristide crut recevoir une pluie de diamants.
Le salon de l’avocat sentait le moisi. Les persiennes, fermées, y entretenaient une ombre triste. La pièce était carrelée, et les carreaux rouges, archifrottés, reluisaient d’un brillant terne et froid. Des boiseries peintes en gris foncé recouvraient les murs. Un meuble mesquin, caché sous des housses de toile, ne remplissait pas l’espace des panneaux. De petits tabourets en tapisserie embarrassaient partout les jambes. Les arts étaient représentés par six grandes gravures encadrées dans des baguettes éraflées : Héro et Léandre, le Dernier des Abencerrages, etc. La pendule, avec deux candélabres dont elle était flanquée, et la glace de la cheminée, étaient entortillées dans des fourreaux de gaze destinés à en préserver les dorures contre les atteintes des mouches qu’on entendait bourdonner tout autour. Au milieu, une table ronde à trépied et à dessus de marbre supportait un pot de fleurs dont la plante se mourait. Entre deux fenêtres se cachait une table à jeu vieille et déflorée. Madame Vieuxnoir, ne comprenant pas l’harmonie de bourgeoise maussaderie qu’exhalait son salon, y avait introduit un piano en palissandre, tout neuf, qui semblait fort étonné parmi ces vieilleries.
La petite femme, sur son canapé, lisait des poésies quand la servante annonça Aristide par ce nom étrange : M. Larestibérard.
Les idées de madame Vieuxnoir furent troublées, et, en deux secondes, elle entassa des montagnes de recherches pour deviner le personnage ainsi défiguré.
« Et comment se porte madame Vieuxnoir ? dit Aristide en s’avançant carrément et prenant la main de la petite avocate pour la baiser !
— Ah ! mon Dieu, c’est vous, monsieur Gérard ? Figurez-vous que ma femme de chambre vous a affublé d’un nom si singulier ! »