mauvaise petite punaise que j’écraserai entre mes doigts. »
Ces violences, que l’exaspération rendait encore plus triviales, irritaient la jeune fille.
« Oh ! je voudrais bien cependant, dit Henriette, que nous fussions tous d’accord.
— Je vous défends de parler, taisez-vous, ajouta Pierre : je vous laisserai mourir de faim plutôt que de ne pas vous marier. »
Henriette n’attachait pas grande valeur à ces paroles ; elle regarda fixement son père avec colère.
« Je vous défends de me regarder avec cet air arrogant, » reprit-il en faisant un pas vers elle.
Henriette baissa les yeux pour ne pas les faire baisser à son père. Celui-ci marcha à grandes enjambées. Madame Gérard tenait sa fille en arrêt sous ses regards durs. Henriette se fatiguait, elle ne voyait pas d’issue à cette lutte.
« Enfin, dit Pierre, voulez-vous, oui ou non, nous obéir ? »
Il s’avança tout près d’elle et mit sa figure enflammée presque sous la sienne, en la menaçant de ses deux gros yeux brillants et roulant de fureur. Henriette crut qu’il allait la frapper, elle se tint encore plus raide et plus hautaine.
« Oui, dit ironiquement la mère approchant aussi, mais attirant Pierre un peu en arrière, afin de reprendre le commandement de la bataille, qu’elle trouvait qu’il usurpait un peu trop ; oui, faites-nous connaître vos principes…
— Il faut que je voie Émile ou que j’aie une lettre de lui, répliqua Henriette ; sinon, j’attendrai. On me cache ce qui se passe !
— On n’a jamais rien vu de pareil, c’est à la souffleter ! s’écria Pierre s’avançant de nouveau.
— Non, non, arrêtez, dit madame Gérard le ressaisissant par le bras.
— Comment, elle nous bravera insolemment !
— Ce n’est qu’une obstination puérile, ajouta madame Gérard. Je la connais : elle va se réjouir de nous avoir irrités. Laissons-la aller et finissons ces querelles. Henriette, vous réfléchirez, et vous comprendrez que vous avez eu tort de blesser un père et une mère qui vous aiment.