ment de colère et d’inimitié qui avait passé sur cette maison, arriverait la fraîcheur de la bonne harmonie, de la tendresse !
Mais le seul nom d’Émile jeté dans la balance l’emporta sur tant de réflexions ; elle répondit d’une voix altérée, rude comme celle d’un homme :
« J’ai promis à M. Émile Germain de l’épouser. Il n’y a que cela à dire à M. Mathéus. »
M. et madame Gérard restèrent d’abord sans réplique, mais leurs yeux faisaient une réponse peut-être plus terrible que toutes les paroles du monde.
Henriette eut le vertige : elle s’attendait à être anéantie !
Madame Gérard s’écria alors avec un rire bruyant et méprisant :
« Ah ! tu crois qu’il pense à toi, ce petit garçon ! Va, tu ne le tourmentes guère. Remplace le romanesque par le bon sens, ma chère. Ce monsieur Émile ne voulait que ton argent, tu t’es laissé duper. Il avait fait des manœuvres fort habiles pour parvenir à te compromettre et à nous forcer de te marier avec lui, mais tu n’as rien vu du tout, ma pauvre sotte ; quand il a reconnu qu’il ne pouvait réussir auprès de moi, il a pris très philosophiquement son parti, je t’assure. »
Henriette fut littéralement mise hors de combat par ce coup de boutoir, mais elle n’en fut que plus ardente d’héroïsme ; sous l’impression brûlante de sa blessure, elle répondit :
« J’attendrai ! J’ai promis à M. Germain de ne jamais me marier, si je ne l’épousais pas.
— Oh ! c’est trop de sottise ! s’écria madame Gérard.
— Ah çà dit Pierre, avons-nous décidément affaire à une folle ? Il faut la renfermer.
— Je ne suis pas folle, répondit hautainement la jeune fille ; je veux tenir ma promesse, voilà tout !
— C’est donc un parti pris ! cria avec violence madame Gérard, nous caches tes vrais projets. Il ne te manque plus que de te faire enlever : allons qu’attends-tu ?
— Elle épousera M. Mathéus, reprit Pierre, et on ne lui demandera pas son avis.
— Quelle nature infernale ! dit madame Gérard.
— Laissez-la, cria Pierre complétement emporté ; c’est une