— Et moi, je n’admets pas que quand le père commande, on n’obéisse pas.
— Eh bien, il vaut beaucoup mieux ne pas vous en mêler, si vous ne voulez pas d’un complet gâchis ; ou bien je me croiserai les bras et vous laisserai toute la responsabilité ! »
Il prenait par moments à Pierre des envies de trancher ces difficultés à la force du poignet, de jeter Henriette au fond d’une voiture, de lui tenir la langue pour l’obliger à dire le oui, de renfermer sa femme au pain et à l’eau, de chasser M. de Neuville à coups de pied, d’engager son fils dans la légion étrangère. Mais ce n’étaient que des extravagances d’homme faible. Le seul mot de responsabilité le rendit docile comme un faucon encapuchonné.
« Essayez donc encore, reprit-il : il y a si longtemps que j’ai pris la mauvaise habitude de m’en rapporter à vous !
— Et pourvu que M. Mathéus veuille revenir, continua madame Gérard. Il faudra l’envoyer chercher par votre frère.
— Quel remue-ménage pour cette petite créature
— Si elle soupçonne l’embarras où elle nous jette, elle doit être bien enchantée.
— Oh ! quelques bons soufflets ! dit Pierre : j’ai vu Connétable, mon garde, faire merveille parmi ses filles de cette manière-là.
— Laissez la brutalité à vos paysans. Qu’y a-t-il de commun entre nous et ces gens-là ?
— L’ordre dans les familles, l’abondance dans les greniers, murmura Pierre ; je vais prêchant cela partout, et c’est ma famille qui donne le mauvais exemple !… »
Ces deux êtres si estimables, si bien unis, se séparèrent en se promettant de ne plus toucher au feu. Ils avaient cautérisé leurs plaies intrépidement. Un doux régime et du baume devenaient nécessaires pour la convalescence.
Le lendemain, à huit heures du matin, madame Gérard entrait chez son mari. Elle sonna la femme de chambre et l’envoya prévenir Henriette. Cette femme prit un air encore plus sévère que ses maîtres en disant :