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— Il me serait trop facile de vous répondre que vous n’arrangez jamais rien. Or, voici ce que j’arrange, puisque arranger il y a. Demain matin, nous nous expliquerons avec Henriette, très sévèrement, comme elle le mérite, mais en la prenant par la raison.

— Bien ; et après ?

— Après ?… elle comprendra, fût-elle une sotte et une acharnée, que quatre-vingt mille livres de rentes ne sont pas à dédaigner. Elle a mis ce petit garçon dans sa tête, parce que les enfants sont toujours bien aises de paraître avoir une volonté à eux, contraire à celle des parents : voilà pourquoi elle fait ses tragédies et affecte de se montrer altière. Mais aussi ses prétentions d’intelligence l’obligent à céder au raisonnement.

— Oui, vous ne voulez pas de punition, vous qui avez le cœur si tendre dit-il ironiquement.

— Vous m’appelez mauvaise mère ? Soyez tranquille, on jugera entre nous deux.

— Enfin, cette fille bien élevée vous a insultée, cependant !

— La punir ! reprit madame Gérard ; mais croyez-vous donc que je considère ce mariage autrement que comme une punition ?

— Eh bien, moi, je lui aurais pardonné son amant ; sur ce chapitre, je suis large.

— À quoi servent ces ironies déplacées ? à vous amener à de perpétuelles capitulations…

— Oui ! dit Pierre secouant la tête avec un sourire de concession moqueuse. Et enfin ce grand système vis-à-vis votre fille ?

— Je ne tolérerai ni sa raideur, ni son obstination, ni ses insolentes et extravagantes scènes.

— Mais, ni moi non plus !

— Mais je sais que la colère, les moyens violents, échoueraient. Elle cédera à la persuasion. Tout le mal vient de ce petit drôle que notre mauvaise étoile a attiré ici. Je compte persuader à votre fille qu’il s’est tourné d’un autre côté. Elle en prendra du dépit, et alors…