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douin, le président, Henriette et Mathéus, formèrent un autre groupe gros d’événements.

Madame Baudouin, grosse bonnasse, se mettait en quatre jours dans l’intimité des gens ; on aurait dit déjà une cousine germaine des Gérard. Madame Gérard avait recommandé au président d’animer la conversation pour faire sortir Henriette de sa coquille.

Mathéus, assis auprès de la jeune fille, lui parlait, peu à peu, presque à demi-voix.

« Pourquoi donc, dit madame Baudouin, cachiez-vous cette perle ?

— Oui, mais heureux ceux qui l’ont trouvée ! ajouta Mathéus en pliant sa grande taille raide et faible comme un arbre brisé.

— Oh ! Monsieur, dit brusquement Henriette, savez-vous pourquoi on n’aime pas à rester devant les magasins des parfumeurs ?

— Pourquoi ? répéta Mathéus étonné.

— Si vous ne devinez pas, ajouta-t-elle ayant le bon sens de retenir son impertinence, je garde mon secret. »

Madame Gérard avait encore prévenu Mathéus, tout familièrement, de ne point faire sa cour d’une façon trop transparente. Or, comme les compliments lui forçaient, pour ainsi dire, les lèvres, et qu’il était obligé de les contenir, le vieillard ne savait de quoi parler.

« Il est bien fâcheux pour nous, reprit-il, que vous ayez des secrets, mais je vous connais néanmoins.

— Vous me connaissez, Monsieur ! répondit Henriette railleusement incrédule. Vous ne m’avez vue que deux fois. » Et, intérieurement, elle ajouta : « Ce n’est pas assez voir, pour les gens de votre sorte ! »

« Oui, dit Mathéus, j’ai tout votre portrait, sauf quelques traits que vous seule pouvez me donner.

— Ah ! dit Henriette en le regardant avec attention, que vous servira-t-il de me connaître entièrement ? »

Mathéus aurait dit : « C’est que je vous aime ! » mais il était obligé de se voiler. Il fut embarrassé, et chercha je ne sais quelle niaiserie pour se tirer d’affaire.