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devant les chagrins, je me réfugie en Dieu qui me donne la force de soutenir mes fardeaux.

— Le monde n’est bien que vanité ! dit l’autre. J’ai eu de la piété dès mon enfance…

— À présent, reprit madame Gérard, je suis régulièrement tous les offices de l’année. L’excellent abbé Doulinet veut bien me diriger, et je vous assure qu’un grand calme descend dans mon esprit sous la voûte de l’église, quand je m’absorbe en Dieu.

— Moi aussi, dit madame Baudouin. Mais, Madame, avec cette éloquence naturelle, vous avez dû ramener bien des esprits, vous avez le pouvoir de les convaincre. Mon ami, M. l’abbé Durieu, songeait à organiser des conférences pieuses pour la classe ouvrière. Personne mieux que vous, Madame, ne réussirait à édifier, à moraliser les pauvres femmes. »

Madame Gérard eut presque envie d’embrasser madame Baudouin, qui lui parut aimable, charmante.

Elle devina en celle-ci une amie, une confidente, qu’elle pourrait tramer à sa remorque.

« Ce serait, dit-elle, une œuvre bien tentante.

— M. l’abbé Durieu est un homme si remarquable ! ajouta madame Baudouin ; il vous conviendrait si bien ! Il me tarde que vous fassiez sa connaissance.

— Mais, dès que nous aurons pris jour pour nous réunir, dit madame Gérard, j’espère d’ailleurs le rencontrer chez vous, Madame.

— Si vous ne consultez que mon désir, ce sera donc bientôt.

— Je vous suis bien reconnaissante, Madame ; le plaisir sera au moins réciproque. »

Ensuite la conversation à dessus de miel continua sur Villevieille, sur les Tournelles, sur les robes, sur l’entretien des maisons, et à la fin madame Baudouin dit d’un air à la fois embarrassé et mystérieux :

« Il est peut-être indiscret de vous demander si, comme le bruit en court à Villevieille, vous comptez marier mademoiselle votre fille ; mais je me considère déjà à peu près comme une ancienne amie, et en tout cas je vous rapporte quel