à qui l’on rend hommage, et elle dit : « Nous, nous vivons en famille, d’une manière patriarcale.
— Ah ! la famille s’écria madame Baudouin en soupirant ; le sort est bien inégal ; moi, j’ai été fort malheureuse avec mon mari ! »
La grosse femme s’était senti un tel élan vers madame Gérard, qu’elle s’abandonnait à une confiance naïve et voulut lui conter toutes ses histoires. Mais l’autre n’aimait pas qu’on s’emparât de la conversation. Elle n’avait point reçu madame Baudouin pour l’écouter, mais pour en être écoutée, et elle lutta énergiquement par ses propres histoires contre celles de sa nouvelle amie.
« Ce sont les enfants. Madame, répliqua-t-elle, qui causent les grands soucis de la vie.
— Oh ! je n’ai pas eu la joie d’être mère, dit madame Baudouin ; mais mon mari…
— Je vous en félicite sincèrement, Madame, car lorsqu’on a une organisation sensible…
— Je le suis beaucoup.
— Je vous plains alors, Madame. Si vous saviez quelle énergie il faut pour dominer ou supporter les tracas, les contrariétés que donne l’éducation des enfants ! Ils sont si égoïstes, si ingrats ! Mais il faut remplir son devoir ici-bas !
— J’ai rempli péniblement le mien auprès d’un mari exigeant !
— Chacun a sa croix, dit madame Gérard ; mais je trouve que les enfants…
— Il était plus âgé que moi, n’avait aucun de mes goûts. Jugez quelle union !
— Ah ! reprit madame Gérard, j’ai cherché toutes mes consolations au pied de la croix
— Moi aussi, dit l’autre. Si Dieu ne nous soutenait pas !…
— Moi, Madame, je puis vous avouer glorieusement que je me suis convertie. J’ai commencé, comme beaucoup de jeunes femmes à Paris, par une grande indifférence pour mes devoirs envers Dieu. Je n’allais à l’église que le dimanche. Enfin, j’ai été touchée par la grâce, et je ne regrette qu’une chose, c’est que la lumière ne m’ait pas éclairée plus tôt. Aujourd’hui,