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ration, et vous m’avez devancée, Madame, dans l’intention où j’étais de vous le proposer.

— Nous sommes faites pour nous entendre, reprit l’autre, j’en ai l’agréable preuve en ce moment-ci.

— Madame, répliqua madame Gérard, je l’ai toujours pensé et même toujours espéré. D’après tout le bien que je sais de vous, je serai vraiment heureuse de votre coopération aux œuvres de bienfaisance et d’utilité dont j’ai pris l’initiative ici. Il y a tant d’existences précaires ! Une main secourable intervient quelquefois si à propos, au milieu des misères et défaillances du prochain, que j’avais toujours été frappée de la nécessité d’établir dans une ville que j’en verrais privée, une société, une maison, une institution, comme vous voudrez nommer cela, qui fût un signe visible et permanent de consolation et d’espérance pour les malheureux. »

Madame Baudouin fut extrêmement séduite par cette éloquence, et répliqua : « Ah ! Madame, ce que vous venez de dire si bien, je l’ai éprouvé comme vous, et c’est moi qui vais être heureuse de pouvoir jouir de votre connaissance. Vous avez une conviction entraînante…

— Vous êtes beaucoup trop bonne, dit madame Gérard, et je compte bien, de mon côté, avoir l’honneur et l’agrément de relations d’un genre plus intime, Madame, que celles où nous conduiraient seulement des nécessités d’administration et des réunions de conseils de surveillance.

— Oh ! Madame, s’écria l’autre, je serai bien flattée, de mon côté, puisque vous m’en témoignez un si aimable désir, d’entrer avec une personne aussi distinguée dans des relations qui ne me promettent que des avantages et des agréments.

— Alors, Madame, reprit madame Gérard après s’être inclinée, vous voilà fixée dans ce pays. Vous y plaisez-vous ?

— C’est mon pays natal, dit madame Baudouin ; mais j’y ai trouvé tant de changements, la société y est si provinciale… Ah ! que n’ai-je eu le bon esprit de vous connaître plus tôt ! »

Madame Gérard sourit superbement, comme une puissance