Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

madame Gérard. Il alla trouver le curé Durieu, qui eut un sourire fin lorsque son confrère lui apporta ses mots chrétiens, et qui ne demanda pas mieux, pensant à remplacer l’abbé Doulinet auprès de madame Gérard.

Le curé Durieu parla donc à madame Baudouin. Celle-ci fut enchantée de se lier avec une personne aussi importante que madame Gérard.

Le curé Doulinet put alors dire un jour aux Tournelles :

« Madame Baudouin serait toute disposée à faire cesser un état de choses fâcheux.

— Eh bien ! répondit madame Gérard, qu’elle vienne me voir ! Je n’ai jamais compris son antagonisme. Je ne l’ai jamais redouté non plus. Si elle veut venir à moi, je la recevrai bien. »

Les deux femmes étant ainsi préparées à cesser leurs hostilités, il devenait tout simple que madame Baudouin fît une visite. Seulement, comme l’abbé Euphorbe ne se vanta pas de ses menées, madame Gérard crut à un triomphe personnel. Elle imagina avoir contraint, par la seule force de son caractère et de sa position dans le département, madame Baudouin à subir son ascendant. Ce fut un des grands plaisirs de sa vie.

L’entrevue fut curieuse. Madame Baudouin était préservée de tout sentiment de gêne par l’assurance que lui donnaient sa fortune et sa nullité, et madame Gérard, par la certitude de sa supériorité.

L’abbé Durieu conseilla d’ailleurs à madame Baudouin d’éviter les allusions aux grandes dissensions, et de rester sur le terrain d’une fusion entre la Société de la Protection maternelle et celle de Saint-Vincent-de-Paul.

Madame Baudouin arriva avec un certain fracas, en grande toilette, dans sa calèche à deux chevaux.

« Mon Dieu, Madame, dit-elle en entrant, je viens vous entretenir d’un projet bien digne de votre intérêt. Je crois que pour l’avantage de ce pays nous devrions réunir en une seule les directions, jusqu’ici séparées, de nos établissements.

— C’est en effet, dit madame Gérard, une excellente inspi-