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CHAPITRE X


profond sentiment de la famille


Il y a des maisons dont la forme, la couleur, les recoins, indiquent ce qui s’y passe ou ce qui s’y passera, drame ou comédie. La maison des Tournelles n’avait pas d’expression propre, trahissante. Il y faisait clair ; des tapis dans les corridors, des papiers blancs des fleurs aux fenêtres, de la propreté, des parquets cirés ; aucun ustensile domestique ne traînait : on ne trouvait ni un balai, ni une lampe ou un torchon hors des armoires. Tous les meubles étaient recouverts de housses blanches, bien rangés ; dans la sa salle à manger, des porcelaines à chiffre, des théières, des compotiers, une grande table, des gravures. Pas de chambre rouge ni de chambre bleue, mais des chambres tendues en perse sans physionomie spéciale, à peu près semblables ; un aspect clair, méthodique, ordonné, froid, ni commun ni recherché, ni élégant.

Le curé, depuis quelque temps, poursuivait un grand dessein : il rêvait de réconcilier madame Baudouin avec madame Gérard et de fondre toutes les charités ensemble. Une sorte de zèle évangélique l’échauffait à ramener la concorde. Les gens qui n’ont pas l’activité des bonnes pensées s’attachent avec une ardeur de novice à celle qui leur arrive par hasard. Le curé se crut un saint Vincent de Paul, et, pendant son éruption de vrai christianisme, il fit plusieurs sermons onctueux, commençant tous par : Aimez-vous les uns les autres ! mes frères !

Il agit avec prudence et mystère, afin de ne pas désobliger