– Dame ! il ne manquerait plus que cela, reprit Pierre ; mais je vous le dis, c’est que je crois en vous. »
Madame Gérard rougit légèrement, mais elle pensa que son mari avait un caractère au moins méprisable, de subir ce qu’il raillait.
« J’ai mes projets, reprit Pierre, et je ne serais pas très joyeux que la Charmeraye nous échappât. Je vous aiderai.
— C’est bien heureux.
— Oh ! je ne vous cache pas que je déteste les querelles de famille, les scènes ; mais, puisqu’il le faut… »
Justement Corbie vint seul, et il annonça que Mathéus était souffrant et priait qu’on l’excusât. Madame Gérard et Pierre crurent d’abord que le futur gendre s’évanouissait, mais Corbie assura que Mathéus ne rêvait qu’à Henriette. Madame Gérard et Pierre voulurent ensuite être éclairés sur le personnage.
« Enfin, dit-elle, mon beau-frère, êtes-vous certain du chiffre de cette fortune ?
— Au moins soixante-dix mille livres de rentes, dit Corbie ; j’ai vu les titres et les comptes.
— C’est superbe, superbe ! s’écria Pierre, comme s’il eût parlé d’un miracle inespéré.
— Et un homme sur lequel on peut compter…
— Mais oui, dit Corbie, très honorable, d’une excellente famille !
— Le hasard sert mieux que toutes les combinaisons, reprit madame Gérard. Dans nos recherches nous n’eussions jamais songé à une fortune comme celle-là. Définitivement, quel âge a-t-il ?
— Soixante-quatre ans juste ; ça ne paraît pas beaucoup.
— Au contraire, ajouta Pierre, mieux vaut qu’il soit vieux.
— Ah ! dit Corbie, tu es facile ! mais les jeunes filles !
— On leur fait tout comprendre, reprit madame Gérard.
— A-t-il une bonne santé, une bonne constitution ? Il a l’air un peu arrangé, continua-t-elle en souriant.
— Moi, répliqua Corbie, je suis un homme d’une bonne constitution ; faites maintenant la comparaison ! Mathéus n’est guère solide.