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— En effet, répondit Mathéus contrarié d’être rejeté loin de la jeune fille par ces paroles inattendues, qui arrivaient comme des vagues pour l’emporter ; en effet, je crois avoir rencontré autrefois quelqu’un de ce nom-là.

— Villevieille, ajouta le président, est une des villes de province le moins désagréables à habiter ; on y aime le plaisir, la bonne chère.

— Ma foi oui, dit Pierre, c’est un des bons côtés du pays. Figurez-vous que je m’y suis procuré une excellente cuisinière…

— Et j’espère, reprit madame Gérard, que Monsieur nous fera le plaisir de venir goûter de ses œuvres, s’il veut bien prendre la peine de ne pas oublier le chemin des Tournelles.

— Mais comment donc, Madame ce sera un honneur et un plaisir, et, si vous le permettez, je le prendrai quelquefois.

— Entre voisins, dit Pierre, les choses doivent aller rapidement.

— J’en accepte l’augure, répondit Mathéus songeant au mariage.

— Nous sommes arrivés, dit Pierre, pour reprendre ce que je disais, à composer des dîners complets. Il y a des eaux excellentes, où on pêche du poisson convenable ; le gibier est abondant, malgré ces brigands de braconniers ; ma viande, je la fais moi-même ; les légumes et les fruits sont bons, parce qu’ils suivent leur saison.

— Oh ! dit Corbie, Mathéus aime à bien manger, mais ce n’est pas un gourmand comme mon frère. »

L’oncle voyait que son ami produisait peu d’effet sur Henriette, et il n’en était pas fâché.

« Oui, ajouta madame Gérard, qui craignait qu’on ne matérialisât trop le vieillard aux yeux d’Henriette, il y a autre chose à apprécier dans la vie de province que le côté grossièrement animal ; il y a des idées à répandre autour de soi, de bonnes œuvres à faire. Nous, nous avons contribué à introduire charité dans les mœurs de ce pays. Il faut beaucoup s’attacher à la religion, pour donner l’exemple.