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province. Aussi je vous avoue que j’ai retrouvé ici avec délices des personnes de Paris, surtout dans les circonstances particulières qui nous réunissent. »

Madame Gérard frémit de cette persistance à essayer de réveiller l’attention d’Henriette. Elle fit un petit signe à Corbie, qui était mécontent de l’enthousiasme de son ami.

« Je pense, dit donc Corbie, avoir rendu service à tout le monde en amenant mon ami Mathéus ; ce sera, je l’espère, une liaison agréable pour tous. »

Mathéus crut qu’il voulait l’emmener déjà, et lui jeta un regard désolé. Corbie espérait en effet terminer assez brusquement la visite. Maintenant qu’il avait mis son ami en présence d’Henriette, le gros oncle souffrait les supplices des jaloux.

Madame Gérard, étonnée que Mathéus parût vouloir partir si vite, reprit presque en signe de prise de congé :

« Monsieur ne pouvait nous faire un plus grand plaisir ! »

Mathéus, consterné qu’on n’eût pas l’air de chercher à le retenir, ne comprenant pas Corbie, s’inclina sans trouver une parole. Il était comme un enfant qu’on va emmener d’un lieu où il s’amuse, et où il n’a pas le droit de rester, s’il lui plaît.

Il semblait qu’on allait se séparer, lorsque le curé lui dit, sans qu’on sût pourquoi partait cette question :

« Pardon, Monsieur, si je vous interromps, votre curé n’est-il pas M. Soyer ?

— Mais oui, monsieur l’abbé, » s’écria avec une joie singulière Mathéus, ravi de se cramponner à un nouveau bout d’entretien.

Le président, qui se taisait, préoccupé d’étudier Mathéus, fut indigné de l’audace du curé à parler.

« Est-ce un de vos amis ? demanda-t-il à l’abbé.

— Je le connais un peu.

— Encore une belle connaissance ! C’est lui qu’on a surnommé le curé flatteur et à qui est arrivée cette fameuse histoire… »

Le curé se tourna vers Pierre et ouvrit la bouche afin d’entamer avec lui quelque autre sujet et de ne point écouter les