nue de ce grand vieillard momie lui avait donné seulement cette pensée : « Quels étranges gens se réunissent donc ici ! Ils s’associeront donc toujours avec des êtres déplaisants ? » Puis, comme une figure nouvelle est toujours inquiétante, jusqu’à ce qu’on ait reconnu ce qu’elle recouvre, elle écouta la conversation pour connaître l’homme.
Mathéus, qui n’imaginait pas les sentiments de la jeune fille, l’aurait accablée de déclarations à l’espagnole, s’il avait consulté son entrainement ; mais il était forcé de soutenir une conversation pareille à un écartèlement à quatre chevaux, avec quatre personnages disposés pour ainsi dire aux quatre coins de sa personne.
On pesait sur Mathéus, pour le maintenir dans la froideur et l’immobilité, parce qu’on voyait à ses yeux qu’il grillait d’aller se placer à côté d’Henriette.
« L’air de la campagne est si pur, si conservateur ! dit madame Gérard, sans penser à faire une épigramme contre son hôte ; le corps et l’âme s’y reposent. Ce n’est point une vie inactive pour l’esprit, non pas à cause de la société des gens qu’on y rencontre, mais à cause des occupations qui s’y présentent, surtout lorsqu’on a les moyens de répandre autour de soi le mouvement, le bien-être. Mais il faut un établissement d’une certaine importance pour rendre cette vie-là intéressante.
— Certes, dit Mathéus en souriant et en s’inclinant, je pense que c’est là ce qui m’a attaché au sol. Je suis étonné moi-même d’avoir pu vivre ainsi, mais maintenant mon apprentissage est fait. »
Le vieillard regardait toujours Henriette, mais elle ne s’en apercevait même pas ; il rendait sa voix caressante, cherchait des allusions, se tourmentait sur sa chaise pour indiquer à la jeune fille le dessous des cartes. Malheureusement les autres le replongeaient à chaque instant dans leurs froides conversations.
« Oui, dit madame Gérard, le changement étrange qui se fait de la vie de Paris, agitée, bruyante, nocturne, au calme de la campagne, où le travail remplace le plaisir, où on se