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tion et le respect qu’exige l’état sibyllaire. Il fallut lui donner un verre d’eau, qu’elle ne but point, et elle demanda languissamment :

« Ai-je été lucide ?

— Eh ! certainement ! dit le président pour ne point la décourager.

— J’ai été mal endormie, d’ailleurs, dit-elle avec une nuance de mécontentement.

— Mon Dieu, reprit le président, fâché du reproche, nos expériences n’ont jamais eu de résultat bien net.

— Vous n’avez pas assez de fluide, pas assez de puissance, dit madame Gérard.

— Si je me trouvais en face d’un sujet qui fut bien doué ! répliqua le président piqué, j’obtiendrais des effets plus satisfaisants.

— D’ailleurs, s’écria madame Gérard, cela m’épuise, je ne veux plus exposer ma santé.

— Ah ! dit le curé d’un air de grande joie, je suis heureux de vous voir renoncer à des pratiques déclarées condamnables…

— Ne vous mêlez pas de la science, interrompit furieusement le président, vous n’y entendez rien.

— Je magnétiserai Perrin ! dit Aristide, ce sera encore plus amusant »

Ce propos peu sérieux tua net le magnétisme aux Tournelles et en fut l’épitaphe, au grand chagrin du président, qui était convaincu. Quant à madame Gérard, malgré tous ses désirs de comédie, elle n’avait point osé continuer celle-là, en face d’une question importante. Depuis ce temps Aristide poursuivit le malheureux Perrin dans tous les coins pour le magnétiser, et le tenant sous le péril constant d’un éborgnement.

Ce tableau grotesque parut une cruelle moquerie au président et à madame Gérard, qui ne ressuscitèrent plus jamais le magnétisme et n’en soufflèrent mot à l’avenir.

Le lendemain de ce jour mémorable, lorsque Corbie annonça qu’il croyait avoir trouvé le mari, il eut une sorte triomphe. « Ah ! mon beau-frère, dit madame Gérard, nous avons parlé et vous avez agi. Et lorsqu’on apprit que Mathéus