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ments, ajouta-t-il ; j’ai l’expérience de mes anciens ménages. À cette époque-là je n’étais pas très sensible aux douceurs de l’intérieur, mais aujourd’hui nous nous faisons vieux, mon pauvre ami. »

Corbie regarda Mathéus d’un air qui voulait dire : Parlez pour vous. Il n’aima pas à se trouver associé aussi aveuglément à la décrépitude de son compagnon.

« Vous n’approuvez donc pas mon projet ? demanda Mathéus, inquiet du silence de Corbie.

— Au contraire, répondit celui-ci : je pense à vous avoir une femme.

— Trouvez-m’en une, trouvez-m’en une ! s’écria Mathéus avec vivacité. Vous n’aurez rendu le plus grand service. »

Ce désir de mariage était un cri de détresse poussé du fond de l’isolement et de l’ennui.

« Que diriez-vous d’une jeune fille ? reprit Corbie.

— Ah ! c’est tout ce que je demande, dit Mathéus ; mais comment l’espérer ? J’ai bien souvent pensé à une jeune fille douce, fraîche comme une fleur ! Voyons ! expliquez-vous, qui est-ce ? comment est-elle ?

— Dame ! elle est bien ! répondit Corbie ; elle passe pour être très bien : elle a dix-neuf ans, elle est grande, avec des cheveux châtains, une jolie main, de l’esprit et des talents.

— Et où demeure-t-elle ?

— C’est ma nièce Henriette.

— Mais je l’ai vue à Villevieille, dit Mathéus ; une personne ravissante ! Ma cage n’est pas faite pour un pareil oiseau.

— Pourquoi pas ? Il n’y a pas de rival à craindre dans le pays. »

Mathéus aurait voulu que tout fût fini le même jour.

« Comment allons-nous nous arranger ? dit-il ; quand la verrai-je ?

— Je vais en parler à ma belle-sœur en rentrant demain. Si l’affaire lui convient, je viendrai vous prendre et vous tâcherez de faire votre chemin.

— A-t-elle un bon caractère ? Savez-vous quels sont ses goûts ?

— Un bon caractère ? répéta Corbie qui faillit répondre non.