Elle racontait tout à ma mère, elle disait que je déplumais les oiseaux. Elle n’avait pas besoin de dire ça, n’est-ce pas ? On ne s’amuserait jamais, alors ! Depuis que nous avons grandi, elle cherche à m’humilier dans le salon.
— Ce qui me contrarie, dit Corbie, c’est que je l’avais crue différente.
— Oh ! moi, je l’ai toujours bien connue ; mais elle fait croire tout ce qu’elle veut !
— On dit que les femmes sont trompeuses, ajouta Corbie : la tromperie lui prend de bonne heure à celle-là.
— Si elle avait eu de l’honneur, elle n’aurait pas pris un amoureux… Quoique ce doive être drôle pourtant d’être amoureux. Mais il n’y a que l’homme pour qui ce ne soit pas mal !
— J’ai été bien souvent amoureux, dit Corbie, mais je me suis toujours retiré quand j’ai vu que cela devenait incompatible avec les principes de l’honnêteté et les lois du monde.
— Ça c’est ennuyeux, par exemple !
— Oui, et la seule occasion convenable que je trouve m’échappe par la mauvaise volonté de ta sœur.
— Je vous dis qu’elle a été mal élevée
— Cependant on ne peut pas nier que ta mère soit une femme très supérieure. Elle sait ce qu’elle a à faire.
— C’est qu’elle est trop bonne pour Henriette.
— Peut-être ; mais celui qui a le plus servi à gâter le caractère d’Henriette, c’est ton père !
— Il n’est pourtant pas toujours agréable !
— Oh ! c’est un homme bien étonnant. Il y a longtemps que je l’étudie. Pour l’agriculture, il entend bien son affaire ; mais sortez-le de là, ce n’est plus ce qu’il faut pour conduire de jeunes têtes. Il sait redresser un arbre ; il ne saura jamais redresser un caractère.
— Il y a des jours où on le croirait timbré.
— Pas du tout, c’est encore de ces hommes très rusés…
— Il aime à contrarier. Il me fait toujours faire les chose que je n’aime pas.
— Ah ! dit Corbie, tu as mis le doigt sur la plaie : il aime à contrarier ! Et ce qui n’est qu’un défaut chez lui est devenu un vice chez ta sœur. C’est parce que mademoiselle Hen-