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noncez à cette amourette, et elle m’engage à être aussi raisonnable que vous. Voilà ce que je viens d’entendre, mais je ne puis me résoudre à le croire. Je ne doute pas de vous, mais des paroles de ma mère. Je ne sais ce qui s’est passé, ce que vous avez dit, mais je suis sûre que je vous reverrai, que vous reviendrez et ne me laisserez pas seule ici, perdue et désolée. En tout cas, vous savez que je vous ai promis de ne pas épouser un autre homme que vous, je tiendrai ma promesse.

« Il est impossible que vous me quittiez, Émile ; vous m’avez dit trop de choses, confié trop de secrets, pour pouvoir confier rien de plus à une autre. De mon côté, je ne vous ai rien caché de moi-même, vous me connaissez telle que je suis. Je n’ai jamais gardé une arrière-pensée et je n’ai jamais cru que rien pût nous éloigner l’un de l’autre. Si je vous ai déplu, si je vous ai froissé, c’est par ignorance, et je vous en demande pardon. Depuis que je vous connais, je n’ai plus dormi aussi tranquillement qu’autrefois, malgré les ennuis que j’avais alors. Vous m’avez fait connaître des tourments et des bonheurs dont je n’avais pas le soupçon. J’ai pris l’habitude de vous. Cependant si vous croyez devoir vous éloigner de moi, je ne vous en veux pas, mais je m’en afflige.

« Pendant deux mois que nous nous sommes vus, je n’ai pas songé un instant à vous étudier et à distinguer si vous étiez sincère ou non ; je vous ai cru et je vous crois encore, malgré ce qu’on me dit. Vous n’avez pas pu appeler une amourette ce qui était le seul intérêt de notre vie : souvenez-vous !

« Vous n’avez pas été raisonnable comme l’entend ma mère. Je vois bien qu’on ne veut pas nous marier et que vous n’avez pas réussi dans votre visite : voilà tout, n’est-ce pas ? On a peut-être cherché aussi à vous tromper sur mon compte, comme on me trompe sur le vôtre. Si on vous a dit que moi, je ne vous aimais pas, on a fait une infamie.

« Il ne faut pas vous détourner de moi et vous laisser prendre aux piéges que nous tendent ceux qui sont intéresses à nous séparer. On m’a parlé à moi aussi de ma réputation. Au commencement, avant de vous connaître tout à fait, j’ai pu