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tion fausse. Je vous demande la main de mademoiselle Henriette aujourd’hui parce que cela peut être une réparation ; je n’aurais pas osé vous la demander auparavant, craignant que vous n’y vissiez une grande présomption de ma part.

— Oh ! Monsieur ! dit madame Gérard en prenant un air dédaigneux qu’elle chassa presque aussitôt de son visage, par prudence, un mariage n’eût pas été une réparation. Une famille reste entachée par de semblables événements. Ces mariages réparateurs ne sont guère qu’une enseigne du scandale ; le silence seul couvre ces aventures pénibles. »

Émile était dominé, renversé ; une lumière sur laquelle on pose un éteignoir n’est pas mieux étouffée. Il demeura devant madame Gérard sans mot dire, pensant qu’il n’y avait plus qu’à enlever Henriette et ne pensant pas autre chose.

Madame Gérard continua :

« Vous êtes très jeune, Monsieur ; peut-être ne réfléchissez-vous pas toujours. »

Émile fut froissé qu’après assez de politesse cette grande ennemie voulût célébrer son triomphe par quelques paroles désagréables.

« Admettons cela. Madame ! » dit-il avec une nuance d’ironie impertinente ; il ne tenait plus à garder de ménagements, voyant que tout avait été risqué et perdu.

« Que cela, ajouta-t-elle, vous serve de leçon pour l’avenir ; ne vous engagez plus étourdiment dans des intrigues dont le dénoûment ne dépend pas de vous. La jeunesse est égoïste (elle affectionnait ce mot), vous le reconnaîtrez plus tard. Je suis persuadée de la droiture de vos intentions, mais enfin vous ne vous êtes point découvert spontanément, librement.

— Mais, Madame, je vous ai dit pour quelles raisons ! répondit Émile qui ne savait plus se sortir de l’espèce d’étau où elle le serrait.

— Eh bien ! Monsieur, puisque vous compreniez qu’une alliance entre vous et ma fille était disproportionnée, à ce point que vous sentiez le ridicule d’en faire la proposition, il eût été plus délicat de vous éloigner d’une jeune personne que vous ne pouviez que compromettre. Oh ! je suis, quant à moi,