Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Gérard, vous allez me parler d’amour réciproque. C’est une chose parfaitement établie. Laissons-la donc de côté et parlons nettement.

— Mais, Madame, dit Émile voyant que se formaient les mailles de quelque réseau dont on voulait l’envelopper, qu’y a-t-il de plus net que ce que je tente auprès de vous ? Ma démarche est très sérieuse…

— Eh bien, soit, Monsieur, elle vous fait honneur. Vous comptez, j’imagine, avouer, proclamer que vos intentions ont toujours été pures, que vous n’avez cherché à entraîner ma fille dans aucun danger pour son honneur ? »

Émile restait un peu embarrassé.

« Mais répondez donc, Monsieur, reprit vivement madame Gérard.

— Madame, répliqua-t-il avec assez d’assurance et de décision, je vous assure que mademoiselle Henriette a été respectée et qu’aucun soupçon ne doit la ternir !

— Je vous crois, Monsieur, dit-elle, et je suis heureuse de cette déclaration que vous n’hésiteriez pas certainement à renouveler partout ailleurs qu’ici, s’il était nécessaire ?

— Ne doutez pas que j’y sois tout prêt, Madame.

— Il est possible que le mauvais effet de quelques indiscrétions exige…

-Oh ! Madame s’écria Émile, je n’en ai jamais parlé qu’à ma mère ! Quelle opinion avez-vous donc des jeunes gens ?

— Mais, Monsieur, j’ai de vous la meilleure opinion, soyez-en certain. Je ne sais par exemple pas quelle part madame votre mère…

— Ma mère m’a toujours retenu, Madame, et non poussé, dit Émile, irrité des soupçons que madame Gérard laissait percer sur elle. J’ai aimé mademoiselle Henriette après l’avoir vue au bal, voilà le seul sentiment qui m’ait déterminé ! »

Madame Gérard reprit :

« Je m’étonne cependant, Monsieur, qu’avec de bons principes, vous n’ayez pas craint de troubler une famille en attirant une enfant dans une liaison compromettante.

— Il ne faut pas voir en moi un séducteur, Madame, parce que des craintes très naturelles m’ont fait prolonger une situa-