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quillité relative l’entrevue d’Émile avec sa mère, et quelques chimères revinrent la rafraîchir.

Émile s’était repenti d’avoir fui le matin devant Aristide et s’accusait de niaiserie ; mais il était trop tard, et il regrettait le mouvement de frayeur instinctive qui l’avait entraîné et qui pouvait donner la plus mauvaise opinion de lui.

Madame Germain s’aperçut qu’il devait être tourmenté ; elle n’avait pas besoin de beaucoup questionner son fils pour obtenir ses confidences.

« Qu’y a-t-il de nouveau ? demanda-t-elle. Je vois à ta figure que tu es contrarié.

— Il y a qu’il faut en finir demain. J’irai trouver madame Gérard.

— Vous avez donc fait quelque folie, mes pauvres enfants ? » dit madame Germain, qui, elle aussi, crut Henriette séduite.

Émile comprit et ajouta vivement :

« Non, ce n’est pas ça… Mais je suis obligé de m’y décider.

— C’est ce qu’il y a de mieux à faire. Si tu n’es pas agréé, tu en seras quitte pour te retirer.

— Me retirer ? dit Émile étonné. Je ne renoncerai jamais à cette petite.

— Je n’ai jamais vu rien de bon résulter de ces amours.

— On le verra peut-être une fois par hasard, » dit-il avec une gaieté assez forcée.

Une mère pleine de tendresse, tout animée du désir d’adoucir les soucis de son enfant, ne conçoit pas pourquoi il répond d’un ton amer ou froid à ses paroles affectueuses comme le faisait Émile, qui, en parlant d’Henriette, se heurtait toujours aux mêmes difficultés, et aurait donné en ce moment toute la tendresse adversaire de sa mère pour trois mots d’une personne qui aurait bien voulu tout lui montrer en beau.

« Je n’étais, dit-elle, pas contente de cette situation où tu restais. À présent, du moins, il y aura une solution. Mais qu’est-ce donc qui te pousse si fort aujourd’hui ? »

Émile rongeait ses ongles.

« Il est cependant fâcheux, s’écria-t-il, que ce portrait leur soit tombé entre les mains !