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— Oh non, jamais le soir ! Il serait venu te trouver plus tôt ; mais comme il est pauvre, il ne se sentait pas beaucoup de courage.

— Pauvre ! répéta madame Gérard avec un accent ironique. Puis elle ajouta : Mais, si on l’a vu franchir le mur, tu es compromise, tu es perdue. Comment éviter les conséquences des bruits qui peuvent courir sur ton compte ? »

Madame Gérard avait compris qu’Henriette n’avait point commis la dernière faute ; elle la questionnait pour savoir à quoi s’en tenir.

« Je suis assez heureuse pour te sauver, reprit madame Gérard, car tu allais te perdre. Quelles craintes nous avons eues pendant ces deux jours ! Maintenant j’espère que nous arrangerons cette affaire à la satisfaction de tout le monde. Rassure-toi : nous voulons que tu sois heureuse ; mais tu comprends qu’il faut changer de conduite et te laisser diriger par nous. À présent nous avons à effacer l’effet qu’a pu produire ton imprudence. Je verrai le jeune homme, nous conviendrons de tout ; mais tu me promets de renoncer à tes entrevues avec lui et de ne pas entretenir de correspondance secrète. Tu n’a plus qu’à attendre paisiblement que nous ayons pris quelques informations.

— Oui » dit Henriette, qui aima mieux croire que toutes ces paroles étaient une promesse, que chercher à provoquer une explication plus nette. Elle s’était soulagée en s’expliquant brièvement, franchement. Il lui aurait fallu trop d’énergie pour se rejeter volontairement dans les inquiétudes et les querelles. Il y avait peu d’épanchements entre ces deux femmes ; la lutte ne les retenait pas en présence. Madame Gérard embrassa sa fille et redescendit au salon. Henriette se renferma chez elle.

« Eh bien ? dirent tous les yeux quand madame Gérard entra.

— Je sais à peu près tout ce qu’on peut savoir, dit-elle ; sur la position de ce petit monsieur, qui n’est rien du tout, comme je m’en doutais. D’après les réponses à mes questions, j’ai reconnu qu’il n’y avait eu jusqu’ici que des enfantillages.