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Louis ne fut pas moins surpris et décontenancé presque au même moment par madame Euronique qui prit sans façon place à son côté et dit à Levise : Tenez, ma fille, mettez-nous la soupière sur la table.

Ce n’était pas ce que Louis avait combiné. Il fut fortement humilié qu’Euronique cherchât à humilier Lévise en sa présence, et il avait peur, s’il « rembarrait » la servante, d’aggraver l’humiliation de la jeune fille, car il lui aurait dévoilé les intentions sournoises d’Euronique, tandis que Lévise pouvait croire la chose toute simple.

Lévise s’empressa en effet de servir, d’un air de plaisir. Elle allait s’asseoir, quand Euronique lui commanda d’apporter le vin.

Le repas devenait amer pour Louis, et il se contenait pour ne pas éclater, plus mécontent encore de n’avoir pas prévu ces petits échecs que froissé de la méchanceté comique de la vieille femme. S’il laissait faire celle-ci, il était évident que jamais la petite ne mangerait, et Louis, qui avait voulu au contraire lui donner le plaisir d’être « servie par des domestiques », dit à Euronique de servir elle-même le vin, d’autant plus qu’il était à portée de sa main.

— Ah ! dit-elle sans se déranger, elle est plus jeune que moi, elle peut bien se remuer un peu !

Louis resta consterné de cette réponse cavalière. Ses bonnes intentions envers Lévise tournaient au détriment de celle-ci.

Mais déjà la jeune fille avait posé le vin près de lui. Enfin elle s’assit, et Louis remarqua que sa main tremblait pendant qu’elle mangeait. Elle ne levait pas les yeux.

Était-ce à cause de lui ou à cause d’Euronique que la jeune fille paraissait si émue ? Euronique buvait et mangeait de toutes ses forces, ne disant mot et ayant bien