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obstacle, et qu’il pensait presque faire une chose toute naturelle.

Cette heure du diner, Louis l’attendit avec une sorte de rage contre les minutes et les secondes. Il imagina et refit au moins vingt fois le petit poème de ce festin, créant les paroles échangées avec Lévise, les gestes de l’un et de l’autre, ressentant déjà la tendresse, le charme profond, insinuant de cette entrevue.

L’heure du dîner arrivée, Euronique mit le couvert de Louis. Alors il commença à s’apercevoir que l’entreprise n’était point trop facile pour quelqu’un qui ne voulait pas attirer l’attention sur ses actes et ses desseins.

Par quel motif excellent justifier devant Euronique un tel bouleversement des usages et des rangs ? Louis essaya assez maladroitement de la ruse

— Je ne dînerai pas ici ! dit-il à sa servante. Il calculait qu’il feindrait de sortir, reviendrait, trouverait Levise à table avec Euronique… mais c’était là ce qui le révoltait : cette jeune fille, qu’il élevait déjà si haut dans ses pensées, mise au rang d’une servante !

D’un autre côté, il prévit la résistance d’Euronique à son projet, et tenter de forcer un tel obstacle lui parut impossible au moment où il fallut l’aborder de front. Louis sacrifia le désir de dîner seul avec Lévise, et il ne vit plus qu’un moyen d’arriver à la faire asseoir à la même table que lui, moyen douloureux, répugnant et grotesque, c’était d’y faire asseoir également Euronique. Pour dîner avec Lévise, il fallait qu’il dinât avec sa servante. Et alors le charme rêvé quelques instants auparavant était cruellement défloré.

Et encore cette dernière entreprise n’était-elle pas toute simple à réaliser. Certainement Euronique trouve-