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convaincu que sa main avait tourné cette clef, sans que sa volonté s’en mêlât. Dès qu’il aperçut Lévise dans l’éblouissante clarté de la fenêtre, il retrouva son calme. Qu’était-elle de plus que cette même paysanne qu’il avait vue plusieurs fois avec plaisir et qu’il ne voulait pas laisser tomber dans la misère ? Pourquoi avait-il été troublé ? Quel sentiment bizarre avait pu la lui faire apparaître comme un être si important, si « auguste », qu’il fût troublé et frémît à la pensée de venir en sa présence. Il sourit intérieurement de cet étourdissement si soudain et si vite passé, du moins à ce qu’il imaginait.

Du reste, Euronique était déjà derrière lui, et cela suffit pour que Louis prît garde et se dît : Allons, elle va être persuadée que je veux décidément faire la cour à cette « fille ».

L’espionnage de la servante obligeait Louis à s’apaiser de manière presque à se donner le change sur ses propres mouvements. Comme il ne voulait pas justifier les soupçons de la vieille femme, il s’armait contre lui-même et se contraignait à ne considérer Lévise que comme une « protégée » ; il chassait tout autre sentiment et se persuadait que sa pensée n’allait pas, en effet, au-delà de ce qu’il désirait que crût Euronique.

Il feignit de chercher un livre dans la chambre, puis, comme si une idée subite le frappait, il dit à Lévise :

— Aimez-vous les arbres ? je vous ai indiqué cette place pour que vous puissiez bien les voir.

Lévise rougit extrêmement, baissa la tête et ne répondit rien. Louis le remarqua et, pour ne pas prolonger l’embarras de la jeune fille, il traversa la chambre en répétant avec affectation : Où est donc ce livre, où peut-il être ?

Puis, au moment de sortir, il regarda Lévise, dont les