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Il avait suffi de ces motifs pour monter les têtes. L’attente qu’on avait d’une vengeance de la part de Guillaume encourageait et animait tout le monde. Les honnêtes gens à cause de leurs femmes, les gens de mauvaise réputation à cause des braconniers se réunissaient dans une même colère.

De sorte qu’à la Bossemartin l’entretien était général et vif. Les uns disaient : Que Guillaume se montre ! Les autres répondaient qu’on pouvait se fier à lui là-dessus. On faisait des suppositions sur ses projets. On reprenait et on commentait ses paroles et ses gestes pendant la soirée. On le vantait comme le champion du village. Parmi ceux qui étaient rassemblés au cabaret, il y en avait peu qui n’eussent quelque grief contre les bourgeois et les grands propriétaires.

Quand les braconniers arrivèrent près de la petite maison de Louis, le jeune homme et Lévise causaient tranquillement dans la chambre qui donnait sur le petit bois. Ils avaient parlé toute la journée du départ, de Paris ; Lévise avait fait la revue de ce qu’elle voulait emporter. Elle le pressait de partir. Elle l’avait tellement supplié de ne point aller à l’église le lendemain qu’il lui promit de rester à la maison. Elle parlait des bourrasques du matin comme de choses anciennes dont on aime à se souvenir une fois qu’on est à l’abri. Elle le questionnait sur Paris, puis le remerciait, puis laissait percer un peu d’ambition qu’éveillait en elle le mariage. Elle se sentait jetée dans un monde nouveau qu’elle était impatiente d’explorer. Partir ! partir ! tel était son cri continuel, elle avait encore peur des braconniers, bien que son inquiétude fût souvent dominée par les pensées du mariage, de l’avenir, du voyage. Il lui paraissait inutile, imprudent de retarder ces bonheurs dont on était à peine séparé, le