Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/186

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

car c’est ainsi que Lévise considéra le petit papier attaché sur sa poitrine.

Louis voulut arranger leur vie comme celle des Turcs, c’est-à-dire la murer à toute curiosité du dehors. La prudence pouvait en cela être d’accord avec le bonheur.

La destination des chambres fut changée. On abandonna la partie de la maison qui donnait sur la rue et on prit pour chambre une pièce ayant vue sur un petit pré entouré d’arbres où les regards des gens de Mangues n’étaient pas à craindre.

La porte de la rue demeura toujours fermée. On était obligé d’y frapper longtemps et fortement pour s’annoncer. Alors Lévise avait le temps de reprendre le masque de servante. Les deux amis étaient très-contents de leurs ruses et de leur hypocrisie.

Déjeuner, dîner, jouer aux cartes, divertissement qu’adorait Lévise, étaient des actes solennels et délicieux entremêlés de longues causeries.

Les Mille et Une Nuits n’avaient pas de féeries comparables.

Louis avait toutefois recommandé à Lévise de se montrer de temps à autre dans le village avec le panier aux provisions, de se moquer un peu de son maître avec les gens qui en parleraient, et de le représenter surtout comme un être bizarre et un peu avare… toutes combinaisons, pensait-il, bonnes à tromper les gens.

Pour mieux honorer Lévise, il lui confia le gouvernement de la bourse, ce dont elle fut enivrée. Du reste elle témoignait une sécurité absolue, ne doutait plus de rien et obtenait de Louis ce qu’elle voulait.

Pendant quelque temps, Louis n’eut plus ni sang-froid ni jugement, entraîné qu’il était par les folies de chèvre en liberté qui saisissaient la jeune fille.