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cette atmosphère de tristesse, un serrement de cœur insupportable le prenait, et Lévise toujours, à toute minute, occupait sa pensée. Il ne voyait qu’elle et le beau Guillaume, partout, et se disait qu’à aucun prix il ne fallait la laisser au braconnier. Et elle appartiendrait au braconnier s’il l’abandonnait à elle-même, s’il la décourageait par son silence et son inaction. Son désir de revoir la jeune fille ne variait plus. Lui seul pouvait en faire une créature heureuse, et il devait le faire.

Si elle avait su lire, Louis lui aurait d’abord écrit avant de se hasarder à la voir.

Il lutta cependant contre lui-même. Parfois un je ne sais quoi lui conseillait de laisser Lévise épouser le beau Guillaume, dans l’intérêt commun. Une voix qu’il trouvait aigre lui criait de se détourner d’une liaison contraire à son éducation, à sa position, semée peut-être de périls et à coup sûr de grands inconvénients. Mais il souffrait si cruellement, il lui sembla qu’il aurait tant de reproches à se faire s’il sacrifiait le bonheur de Lévise à son propre repos, la jeune fille lui apparaissait si pâle, si tourmentée qu’il lui fut impossible de résister plus longtemps.

Il se mit donc un matin en route vers la maison des Hillegrin, éprouvant enfin la sensation bienfaisante qui réjouit et délasse les nageurs, lorsqu’après avoir brisé leurs muscles à vouloir remonter un courant irrésistible, ils se laissent doucement emporter au fil de l’eau, heureux de renoncer à leur tentative épuisante.

Ce que ressentait Louis était même plus que cela. Il était rempli d’une telle résolution, d’une telle force pour convaincre Lévise, et la ramener, qu’il ne pouvait s’accuser de faiblesse.

Louis marcha vers la maison, déterminé, sûr de lui-même, sachant ce qu’il avait à dire, prêt à faire face