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courageait à la pensée que son existence n’aurait peut-être pas plus de largeur que celle des provinciaux.

Paris lui faisait peur ; il tremblait de se trouver en contact avec la supériorité parisienne. Il interrogeait toutes les carrières, écrivait, dessinait, rêvait un rôle important, se persuadait ensuite de son incapacité, tombait dans une sorte de désespoir et de marasme, renonçait à tout, puis, un jour de soleil, il revenait à l’espérance.

De temps en temps, quelque femme jeune, qui venait chez sa mère, lui laissait une vive impression ; mais il redoutait les femmes, craignait de mal s’y prendre et il étouffait régulièrement l’élan qui l’entraînait vers elles.

De sorte que plus il avançait en âge, plus il devenait silencieux, concentré, dégoûté, désolé et énigmatique pour sa famille. Cet état de trouble ne lui inspirait que des résolutions extravagantes, et heureusement alors son intelligence se révoltait à la pensée de ces folies. Les journées se passaient ainsi, et ce ne fut que vers vingt-cinq ans que, ne pouvant plus y tenir, Louis essaya d’échapper à ses tourments en quittant sa famille.

Il songea d’abord à Paris, mais il préféra se familiariser avec la vie dans un milieu plus tempéré. Il se lança donc fort modérément sur une pente ou il devait rouler brusquement, sans s’en douter, peu après ses premiers pas.

Il se lança fort modérément, puisqu’il se borna, au début, à un voyage d’un mois dans les environs de la ville natale.

À peine était-il de retour qu’une de ses tantes lui laissa en mourant cinq mille francs à titre de cadeau provisoire sur une succession plus importante, dévolue de leur vivant aux parents de Louis. L’heure de cet héritage sonna la délivrance de Louis.