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par le souverain pontife et le sacré collège, pour célébrer dignement ce mystère d’ineffable amour, où un Dieu fait homme se résigne aux outrages les plus sanglants et à la mort la plus ignominieuse pour racheter l’homme qui l’a trahi, pour expier une faute qu’il n’a pas commise.

La semaine sainte par excellence, la Santa, comme disent les Italiens dans leur dévot enthousiasme, appelle chaque année dans la ville éternelle une foule immense d’étrangers de tout rang, de tout sexe et de tout âge, qui viennent de toutes les parties de l’Italie, de l’Europe et du monde, assister à ce spectacle imposant et unique, et ce n’est pas aujourd’hui, comme autrefois, quand le deuil et la solitude régnaient dans Sion, que le prophète Jérémie s’écrierait dans ses mélancoliques lamentations : « Quomodo sedet sola civitas plena populo ? facta est quasi vidua domina gentium, et egressus est a filiâ Sion omnis decorejus. » — « Comment cette cité autrefois si pleine de peuple est-elle maintenant abandonnée et déserte ? La maîtresse des nations est comme une veuve désolée, et la fille de Sion a perdu toute sa beauté. » Rome, pendant les jours saints, présente, au contraire, l’aspect le plus animé, et des flots de populations encombrent les rues et les places de la ville pontificale et se pressent dans ses profondes basiliques ; mais, il faut le dire pour être juste, au milieu de tous ces nombreux visiteurs, aussi divers de sentiments que de costumes, un plus grand nombre est attiré soit par une curiosité frivole, soit par l’amour du grandiose et du beau, soit par le désir de voir et de s’instruire, plutôt que guidé par un instinct religieux.

Le Mercredi Saint est arrivé ; déjà un voile funèbre est étendu sur la ville, et la période douloureuse des souffrances du Christ est ouverte. Dans toutes les églises, l’office des Ténèbres fait résonner sa triste et lugubre psalmodie, et le soir, quand le soleil a disparu, comme trop éclatant pour éclairer cette scène de deuil, la foule gravit le magnifique escalier du Vatican et vient attendre dans le vestibule qui précède la chapelle Sixtine que les portes du sanctuaire lui soient ouvertes. Elles roulent enfin sur leurs gonds d’airain,