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témoins de la dernière, la plus imposante peut-être, la plus importante sans doute, puisqu’un certain nombre d’indulgences y est attaché : c’est la grande bénédiction pontificale dont tout le monde veut avoir sa part. Dès le matin, la place de Saint-Pierre et les environs présentent le spectacle le plus animé et le plus varié : à côté des riches carrosses des cardinaux tout resplendissants de dorures, à côté des myriades de laquais qui les entourent, auprès de leurs fringants attelages qui piaffent sous leur harnachement barriolé, on voit les équipages somptueux des ambassadeurs, des princes et des rois qui viennent aussi concourir à la majestueuse splendeur de la fête ; à côté des Cent-Suisses du Pape, dont le bizarre costume attire les regards de tous, sont rangées les autres troupes pontificales portant à leurs coiffures une feuille de laurier bénit des officiers italiens ou étrangers, aux brillants uniformes, la poitrine couverte de décorations, circulent en tous sens des femmes jeunes ou vieilles, laides ou jolies, toutes richement ou coquettement parées, se mêlent aux groupes des plus curieux, et avec leur persistance féminine, se pressant, se poussant, arrivent au premier rang pour être mieux à portée de tout entendre et de tout voir. Les Anglais, voyageurs intrépides et infatigables, que l’on trouve partout, excepté chez eux, sont en grand nombre et se distinguent partout par leur caractère méditatif et leur air ennuyé. Les Français aussi sont faciles à reconnaître à cette allure sans gêne et à ces façons dégagées qui ne les abandonnent jamais impressionnables à Rome comme à Paris, mais toujours d’une grande mobilité d’esprit et de sentiments, les émotions les plus diverses se succèdent rapidement chez eux et se laissent aisément deviner sur leur physionomie ouverte et franche. Ils réfléchissent à la grave majesté du sujet qui les réunit en ce jour solennel, ou méditent une plaisanterie peu convenable et pour le temps et pour le lieu et du même coup d’œil, par le même lorgnon d’écaille, ils fixent d’une manière impertinente la femme qui leur sourit ou mesurent du regard la coupole admirable que Michel-Ange a suspendue dans les airs et qui les écrase de sa masse imposante. Sur la triple rampe de marbre qui conduit de la place à la basilique sont