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tion (chrismate) qu’il a reçue. On a parlé de cela dans la première partie, au chapitre des Consécrations et des Onctions.

V. Le nom des chrétiens fut d’abord inventé à Antioche, car, auparavant, tous s’appelaient disciples ou frères, jusqu’à ce que les Apôtres s’assemblèrent en concile à Antioche. Et l’on donne aux chrétiens le nom d’orthodoxes, c’est-à-dire d’hommes qui se glorifient à juste titre, et vivent selon ce qu’ils croient. En effet, orthôs, en grec, se dit recte en latin (d’une manière droite), et doxa signifie gloire (gloire juste et raisonnable). Le Christ s’appelle de ce nom, à cause de l’onction qu’il a reçue (chrisma), c’est-à-dire, en quelque sorte, l’Oint. Il a été oint éternellement par Dieu, par-dessus tous ses frères, comme on le lit dans les Actes des Apôtres ; et ce nom est une huile répandue. C’est pour cette raison que, dans l'Ancien-Testament, on appelait christs les prêtres et les rois, parce qu’on les oignait de l’onction matérielle, selon cette parole : « Ne veuillez pas (nolite) toucher mes christs (mes oints) »[1].

VI. Et ce nom de christ n’est pas le nom propre et particulier du Sauveur ; ce n’est que l’appellation vulgaire de la puis-

  1. Cette façon de parler, créée par Dieu, et que nous ne trouvons que dans la Bible et principalement dans l’Évangile, est généralement atténuée dans toutes les traductions, où on ne lui donne que la valeur d’une simple négation. Ainsi, l’on traduit : « Irascimini et nolite peccare, » par : « Mettez-vous en colère et ne péchez pas, » comme si, au lieu de nolite, qui signifie qu’on ne doit pas même avoir la pensée de la colère, on lisait : et non, etc., ce qui n’a plus le sens sévère et étendu que nous révèle ce mot de Jésus-Christ : « Je vous dis que celui qui aura regardé une femme avec un mauvais désir, et avec la volonté de mal faire, a déjà commis l’adultère. — Va, et n’aie plus la volonté de pécher, dit le Christ à la femme adultère ; noli peccare. » Le christianisme et Dieu, son divin auteur, ont pu seuls dire ce mot inconnu et impossible à l’antiquité païenne, qui ne condamnait, comme la justice imparfaite des hommes, que l’accomplissement du désir et non le désir lui-même qui échappait à ses lois, sur lequel elle n’avait et ne pouvait jamais avoir de droit. Traduisons donc ce noli si dur au monde et si consolant pour le chrétien, dont la vie la plus sainte comme la mieux remplie peut se résumer tout entière dans les victoires qu’à chaque instant Dieu lui fait une loi de remporter sur ses désirs déréglés. Nous pourrions multiplier à l’infini les exemples de ce genre d’observation ; les deux que nous avons indiqués suffisent, parce que l’un explique l’importance de l’autre.