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PIERRE ET AMÉLIE.

d’une épaisse couche de mousse, dont la verdure n’avait pas encore pâli sous les chaleurs de l’été ; au centre d’un vallon bien cultivé, qui s’étendait à sa base, serpentaient les ondes transparentes d’un large ruisseau.

Ces lieux me parurent favorables à la méditation ; j’allai m’asseoir sur un endroit qui commandait une vue immense ; le côté oriental de la ville s’offrait en face de moi, les toits pointus de ses maisons et de ses églises avec leur haute tour resplendissaient comme autant de réverbères sous les feux du soleil couchant ; à ma gauche, une portion du fleuve apparaissait avec ses gros navires à l’ancre, et ses barques louvoyant la voile penchée et arrondie comme le flot qu’elle effleurait ; dans une perspective lointaine, des montagnes, confondues avec les nuages descendus à l’horizon, et, sous mes pieds, la plaine, déroulant les trésors de ses diverses floraisons, teintes de couleurs charmantes et variées, l’élégante rusticité des maisonnettes, des étables, des granges, et la fraîcheur des ombrages et des rivières. Je ne sais quoi de grand, de sublime, s’emparait de mon âme à la vue de cette variété d’objets représentés avec tant de charmes dans le cadre sans borne d’une nature infinie ; en nous élevant au-dessus du séjour des mortels, il nous semble que l’imagination, débarrassée des choses vaines du monde, s’élance plus agile vers les régions de la Divinité.

Cependant, un incident vint tout-à-coup me tirer de cette douce mélancolie, et attira bientôt toute mon attention ; je vis un homme dont la vieillesse avait littéralement blanchi une longue barbe que le vent faisait fris-