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PIERRE ET AMÉLIE.

elle vous plaira, j’en suis sûr, si vous êtes touché des aventures dont elle fut le siège.

J’acceptai avec plaisir cette proposition généreuse, et nous arrivâmes à sa demeure, qui n’était qu’à quelques pas du ravin, je ne me lassais d’admirer l’élégante simplicité qui régnait dans la cabane du vieillard : je croyais avoir sous les yeux la grotte du vertueux Philoclès, dans l’île de Samos, où il vivait du travail de ses mains, oubliant dans son heureuse pauvreté les hommes ingrats et trompeurs. Un lit d’immortelles, une chaise en jonc et une table formaient tout son ameublement, un chien et un gros chat ronflaient près de l’âtre, d’où s’échappaient une légère fumée et quelques étincelles pétillantes ; autour d’un mur de cèdre odorant étaient appendus les tableaux des pères de la patrie, que le vieillard, mû par les sentiments sacrés du patriotisme, me dit avoir peint dans sa solitude.

J’admirai entre tous l’immortel Champlain ; on le voyait, rempli d’une noble ardeur, jeter les fondements d’une ville sur les débris de Stadaconé ; puis Montcalm, la figure rayonnante de gloire, foudroyant avec le feu des batailles les phalanges vaincus d’Abercromby ; puis enfin Lévis, debout sur le tillac d’un navire étranger, fuyant les rives chéries du Saint-Laurent en portant des regards tristes et rêveurs sur le haut de la sombre citadelle, où flottaient les couleurs d’un étrange drapeau… Oh ! brave chevalier, en vain, tu voulus laisser tes os sur la plaine qui redira ta gloire aux siècles à venir, il te fallut comme l’illustre fils d’Anchise abandonner la cendre de tes frères sous les débris fumants de leur cité mère…