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dans d’autres établissements où il ne trouve point le contrepoids de l’âge et des lumières. Déjà nous en avons vu les effets déplorables. Je m’arrête, Monsieur le Ministre, les excès dont je parle n’ont pu manquer de fixer votre attention. Bientôt, sans doute, des mesures, telles qu’on est en droit de les attendre du chef suprême de l’Université, donneront la discipline sans laquelle il ne saurait exister d’études, et qui est pour nous la condition du travail, au même titre que l’ordre est sa condition de la liberté […]


(En marge de cette lettre se trouve le brouillon de l’arrêté d’exclusion, de la main de M. Cousin.)


2o.

Le 14 décembre, nouvelle lettre de M. Guigniault au Ministre pour lui adresser la copie d’une lettre « qu’envoie à la Gazette, par l’intermédiaire de ses camarades, l’un de nos meilleurs élèves placés cette année […], jeune homme aussi distingué par le caractère que par le talent, et qui mérita d’être quelquefois le dépositaire de mes plus secrètes pensées, durant les temps difficiles que nous avons parcourus ensemble ».


Lettre de Bach.

[…] Tous mes anciens camarades savent comme moi que l’inébranlable fermeté de M. Guignault a seule soutenu l’École dans des temps bien difficiles ; ils savent tous que si, depuis le 8 août 1829, M. Guigniault n’a pas résigné ses fonctions de Directeur, c’est uniquement dans l’intérêt de l’École ; ils savent que nous aurions tous regardé le départ de M. Guigniault comme le signal de notre dispersion, car avec lui la liberté aurait disparu de l’École […]

Aussitôt que M. Guignault connut les ordonnances subversives de la Constitution, il me fit venir à différentes reprises avec quelques-uns de mes camarades choisis tantôt parmi les anciens, tantôt parmi les nouveaux ; il nous dit qu’une lutte longue et terrible allait s’engager entre le pays et le Gouvernement ; que, quel que fût le sort de l’École, notre place dans cette lutte était marquée, que nous devions nous dévouer au triomphe des opinions libérales, etc. Il ne pouvait point prévoir alors que dans trois jours le peuple aurait puni le parjure et conquis la liberté.

Le 28, ayant appris que plusieurs élèves désiraient aller au feu, et se croyant responsable envers leurs parents de tout ce qui pourrait leur arriver, il se rendit dans les salles à 5h 30m du matin, et là, loin de menacer à deux reprises d’appeler la gendarmerie pour rétablir l’ordre qui n’était pas troublé, il se contenta de faire promettre sur l’honneur à ceux qui voulaient partir qu’ils ne mettraient pas leur projet à exécution avant le lendemain et qu’alors même ils ne partiraient pas sans l’en avoir prévenu ; il ajouta, il est vrai, qu’en sa qualité de chef de maison il pourrait requérir l’intervention de la force armée (de la gendarmerie si l’on veut), mais que nous devions tous savoir combien une pareille mesure était loin d’entrer dans ses vues.

Quant à la seconde phrase qu’on lui impute, elle est en partie vraie, en partie fausse ; il a dit que nombre de braves gens avaient été tués de part et d’autre, mais il n’a pas