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membre de la Société des Amis du peuple, auront lieu aujourd’hui samedi 2 courant. Le convoi partira de l’hospice Cochin à 11 heures et demie du matin. » Deux ou trois mille républicains s’y donnèrent rendez-vous : il y eut des députations de l’École de Droit, de l’École de Médecine, de l’artillerie de la garde nationale, sans parler, bien entendu, d’une nuée d’agents de police. Le préfet de police, M. Gisquet, se méfiait en effet. La veille, il avait interdit une réunion de la Société des Amis du peuple, dans une maison de la rue Saint-André-des-Arts, et fait faire plusieurs arrestations, sous prétexte qu’on voulait préparer des troubles à l’enterrement de Galois. Lui-même l’a dit dans ses Mémoires ; il a prétendu aussi que, si le général Lamarque, à l’agonie depuis plusieurs jours, n’était pas mort précisément le matin du 2 juin, l’émeute qui ensanglanta Paris cinq jours plus tard aurait éclaté ce jour-là même au cimetière Montparnasse. Peut-être eût-ce été là les funérailles qu’avait rêvées Galois. Mais tout fut calme. Les patriotes se contentèrent d’enlever le cercueil, dès que le corbillard fut arrivé à la barrière ; comme autrefois le corps de son père sur la route de Bagneux au Bourg-la-Reine, celui d’Évariste fut porté par les bras de ses amis jusqu’au bord de la fosse. Plusieurs discours furent prononcés. Parmi les orateurs figurèrent deux des principaux chefs de la Société des Amis du peuple, Plagniol, et Charles Pinel[1].

Comme il fut mis dans la fosse commune[2], il ne reste plus trace aujourd’hui de la sépulture de Galois.

Telle a été cette vie si courte et si extraordinaire. Il n’est pas rare d’entendre les mathématiciens en déplorer la brièveté : que n’eût pas donné un tel génie si la mort ne l’avait pris à vingt ans ! Mais non, Galois, semble-t-il, a rempli toute sa destinée. Si, comme il l’avait ardemment souhaité, il était entré à l’École Polytechnique, il aurait été tué avec Vaneau sur une des barricades de Juillet. Et comme il avait raison, deux ans plus tard, en regrettant de mourir « pour quelque chose d’aussi méprisable » ; car s’il n’avait pas péri dans son duel,

  1. National et Tribune du 3 juin. La mort et les obsèques du général Lamarque, en absorbant l’attention de toute la presse, ont empêché les journaux de donner aucun renseignement détaillé sur la mort et les obsèques de Galois.
  2. Registre d’inhumations du Cimetière du sud.